Adaptation d’un roman, de la littérature à la scène
Bien sûr il aurait pu y avoir, il aurait dû y avoir Jésus-Christ le pétomane invétéré
Rose la valétudinaire cacochyme
Trouille la voleuse d’oies pas couarde pour un sou
Delhomme le paysan parvenu
La Gornette appétissante dévergondée
Et Fouan, comment oublier Fouan ?!
Et puis on aurait pu ici parler de la terre, l’élément solide, matière à découper, à morceler, à remembrer, et puis aussi parler de l’avènement du communisme…
Mais adapter une œuvre littéraire pour sa présentation sur une scène c’est savoir faire le deuil d’élans d’écriture magnifiques, d’idées percutantes qu’on aurait voulu défendre, de personnages si attachants, de situations tellement théâtrales…
Adapter c’est savoir, la larme à l’œil et des sanglots dans la gorge, être boucher et débiter des morceaux, et c’est oser recréer une œuvre à partir d’une œuvre, c’est le faire dans une direction précise et assumée, une visée claire et lucide.
Alors pendant plusieurs semaines nous avons osé mettre nos tabliers sombres de bouchers en deuil et avons taillé dans La Terre.
Il s’agirait ici de concentrer notre attention (et par la suite le regard des spectateurs) sur les femmes du roman. D’éclairer la question : comment est-on femme à la campagne au XIXe siècle ? Comment est-on femme à la campagne ? Comment est-on femme ?
Et puis il faudrait présenter sur scène un travail, un objet, un spectacle sans doute qui n’oublierait jamais qu’il fut roman. Un parti pris.
« Notre Terre » dira Françoise, Lise, Palmyre, leur vie de femme dans un monde où « ensemencer » se dit tant pour la terre que pour la femme, où se faire violer et mourir se disent avec le même mot : culbuter.
Anne-Laure Liégeois